Travailler comme infirmière aux USA, le parcours de Claire

Publié le 16/03/2016

Claire a toujours rêvé d’exercer son métier d’infirmière aux USA et devinez quoi, elle va bientôt toucher son rêve du bout du doigt. Depuis plus d’un an maintenant elle a commencé les démarches pour y travailler et nous raconte dans cette interview comment y parvenir. A travers son expérience, vous découvrirez les rouages de la machine administrative Américaine, un chemin où il faut savoir être patient et parfois téméraire.

Flo & Yo - Tu es infirmière et tu as décidé de partir vivre (et travailler) aux Etats-Unis. Quel a été ton cheminement ?

Statue de la libertéClaire - J’ai toujours été attirée par les USA et l’anglais sans vraiment savoir pourquoi.  A la fin de mes études, j’avais dans un coin de ma tête l’idée de partir vivre et travailler là bas dans quelques années. À l’époque c’était juste un rêve, je ne pensais même pas y arriver…

En attendant de pouvoir réaliser ce fameux rêve, je voulais apprendre à parler couramment la langue. Et par l’intermédiaire d’un site d’échange linguistique, j’ai fait la connaissance d’un Américain. J’ai voyagé plusieurs fois aux USA pendant 4 ans pour le voir et lui est venu plusieurs mois en France. Mon correspondant est devenu mon petit ami et nous avons alors décidé qu’il était temps que je commence pour de bon les démarches pour obtenir mon diplôme de Registered Nurse et pouvoir le rejoindre aux USA. Je comptais obtenir un visa de travail une fois mon diplôme américain en poche, mais finalement, en mars 2014, il m’a demandée en mariage et je suis donc arrivée aux USA beaucoup plus vite que prévu, le 17 décembre 2014 avec un visa K1 (visa fiancé) !

Flo & Yo - Nous t’avons connue grâce à ton blog « Les USA pour une infirmière Française », peux-tu nous en parler ?

LexiqueClaire - J’ai débuté mon blog en 2013 après avoir commencé mes démarches. J’avais passé des mois et des mois à me renseigner comme il fallait pour ne rien oublier dans toute cette paperasse pour devenir Registered Nurse. En faisant ce blog, je voulais, si possible, faciliter les démarches d’autres IDE qui ont le même rêve américain. Et j’ai rapidement eu de nombreux -mails de personnes dans le même cas que moi qui me demandaient des conseils. Je n’imaginais pas avoir autant de retour. Pour anecdote, une infirmière française vivant dans le Massachussetts et souhaitant obtenir l’équivalence de son diplôme français pour pouvoir y travailler m’a même contactée car l’ambassade de France lui avait donné le nom de mon blog pour l’aider dans ses démarches ! Un peu plus tard, j’ai créé une page Facebook en lien avec mon blog et un site internet Devenir Infirmière Aux USA pour décrire les démarches étape par étape pour chaque État US.

Flo & Yo - Où en es-tu dans les démarches pour travailler aux USA ?

Claire - J’en vois le bout ! J’avais commencé à faire les démarches pour le Colorado et le Missouri car c’était plus facile en tant qu’étrangère n’ayant pas de visa et vivant en France. En effet, certain États demandent d’avoir un numéro de sécurité social américain avant de pouvoir commencer les démarches (ce qui  n’est pas possible si l’on ne vit pas sur place).

Mon diplôme avait été déclaré comme équivalent à celui d’une Registered Nurse aux USA. Aujourd’hui je vis en Arkansas. J’ai donc fait la demande de transfert de mon dossier pour cet État. J’attends actuellement le résultat final ! En parallèle,  je fais les papiers pour le “Board of Nursing” (l’équivalent de l’ordre infirmier) d’Arkansas afin de demander le droit de passer le N-CLEX (examen que les étudiants infirmiers ont ici à la fin de leurs études et qui, s'ils le réussissent, leur donne leur licence). Une fois que j’aurai mon diplôme en poche, je pourrais chercher du travail en tant que Regsitered Nurse !

Ici, le niveau de vie d’une infirmière est meilleur qu’en France autant au niveau financier que du point de vue de la qualité de travail

Flo & Yo - Justement, peux-tu nous présenter les différentes étapes pour devenir Registered Nurse ?

Claire - Pour être honnête (et en restant polie), c’est un sacré bazar !! Tout d’abord, comme je l’expliquais précédemment, chaque État a des exigences différentes. Par exemple, de plus en plus d’États comme la Californie ou l’Arkansas exigent d’avoir un SSN (Social Security Number) pour commencer les démarches. Si l’on vit donc toujours en France, ça réduit le choix de l’endroit où l’on souhaite s’expatrier. A l’inverse, si l’on vit déjà aux USA et qu’on a son Social Security Number, ça ne pose pas de soucis.

Une fois que l’on sait où l’on part, il faut se renseigner sur les exigences de l’État en question. Tous les États souhaitent que les IDE françaises (et étrangères en général) fassent évaluer leur formation. Pour cela, on peut passer par différents organismes en fonction de ceux acceptés par l’État en question. Le CGFNS est le plus commun et est accepté par la plupart des États. Il a aussi mauvaise réputation sur les forums de discussion car long et coûteux. Peu importe l’organisme, dans tous les cas, l’école doit fournir différents documents comme le programme de formation, les relevés de notes, le nombre d’heures pratique et théorique effectuées pour chaque spécialité (médecine, chirurgie, gériatrie...). La DRJSCS (ancienne DRASS) doit parfois également fournir des documents comme la copie du diplôme français. Tous ces documents doivent être traduits en anglais. Une fois que le CGFNS (ou tout autre organisme choisi) a tous les documents en sa possession, il évalue notre formation et décide si oui ou non elle est équivalente à celle d’une Registered Nurse aux USA.

En parallèle, il faut remplir les formulaires du board of nursing de l’État pour lequel on fait ses démarches et leur fournir les documents qu’ils demandent (cela varie en fonction des États). Une fois la formation évaluée par le CGFNS (ou autre) et le Board of nursing, si celle-ci est déclarée équivalente à celle d’une Registered Nurse aux USA, nous sommes autorisés à passer le N-CLEX. C’est l’examen final que les étudiants infirmiers ont ici en fin d’études. Cet examen se fait sur ordinateur sous forme de QCM. Il peut durer 2h comme il peut durer 4h ! En fait, cela dépend de nos réponses : si l’ordinateur a assez de bonnes réponses pour en conclure que nous sommes au point, il arrête le test et on a notre examen. Tant que nos réponses ne sont pas suffisantes, on a encore des questions jusqu’à ce que l’ordinateur décide que nous sommes aptes ou pas à exercer… c’est un peu schématique comme explication mais ça résume comment ça marche. C’est la réussite de cet examen qui nous donne le droit d’exercer dans l’État où on le passe. A savoir que si un jour on déménage dans un autre état, il faut refaire pas mal de paperasse…

Une fois le N-CLEX en poche, si l’on vit toujours en France, il faut obtenir un visa de travail. Et c’est là que la galère commence (bon elle avait commencé un peu avant, certes !). En effet, il faut tout d’abord passer par le CGFNS et demander un “VISASCREEN”. Pour cela on doit encore remplir des documents pour la plupart identiques à ceux remplis pour l’évaluation de la formation (d’où l’intérêt de passer par le CGFNS dès le début si on vit encore en France). Une fois qu’on a ce Visascreen, il faut trouver un employeur qui accepte de nous sponsoriser, en d’autre termes de payer pour notre visa.

A savoir aussi qu'il existait, il y a quelques années, un visa pour les infirmières étrangères souhaitant venir aux USA. Il faut croire que la pénurie d’infirmières ici a cessé car ce visa a été arrêté. Il m’a été dit que pour venir en tant qu’infirmière française, il faut demander directement la Green Card. Chose qui peut prendre des années… En effet, notre niveau d’études ne nous permet pas d’accéder aux visa de travail disponibles pour les USA. Mais n’étant finalement pas passée par ce chemin, je ne suis pas encore au point sur le sujet…

Flo et Yo

Flo & Yo - Est-ce que toutes ces démarches ont un coût ?

Claire - En effet, toutes ces démarche ont un coût… un sacré coût même! Pour le CGFNS (l’étape d’évaluation de la formation), il faut compter entre 350 dollars et un peu plus de 400 dollars si l’État avec lequel on fait nos démarches souhaitent que le CGFNS s’occupe de aussi de vérifier les résultats à l’examen d’anglais. Ensuite, il faut payer le Board of Nursing, et là encore ça varie en fonction des board of nursing… Certains demandent moins de 100 dollars, d’autres beaucoup plus que ça… Pour l’Arkansas par exemple, c’est 200 dollars. Et je sais que certains États sont encore plus chers ! Les prix changent aussi d’une année sur l’autre. Il y a deux ou trois ans, c’était moins de 100 dollars pour l’Arkansas… Et tous ces frais, ce n’est que pour les équivalences, après il y a en a d’autres pour le visa !

D’après une amie américaine qui est Registered Nurse, ici, en chirurgie de nuit, une infirmière a entre 8 et 10 patients. Parfois moins en fonction de l’État de santé des personnes prises en charge, rarement plus

Flo & Yo - Où as-tu pu faire traduire tes documents ?

Claire - Pour la traduction de mes documents, j’avais trouvé une traductrice très efficace et vraiment pas chère du tout près de chez moi. Malheureusement, elle a arrêté d’exercer… Pour mes quelques quarantaines de feuilles à traduire, j’en avais eu pour moins de 300 euros ce qui n’est vraiment pas cher !! Par exemple, le CGFNS offre un service de traduction (enfin pour le coup c’est pas un cadeau du tout) à 85 dollars PAR PAGE !!

Flo & Yo - Quels sont les diplômes à avoir ? Le niveau d’anglais ?

Claire - Pour pouvoir être Registered Nurse aux USA, il faut le BAC (certains board of nursing demandent une copie du diplôme), être diplômé d’une école d’infirmière française et obtenir son N-CLEX.

Il faut bien sûr avoir un bon niveau d’anglais. La plupart des États demandent de passer un examen type TOEFL, TOEIC ou IELTS. Les scores minimaux demandés varient aussi en fonction des États.  Personnellement, lorsque j’ai passé le TOEFL, mon niveau d’anglais était bon. Aujourd’hui, je dirais que je suis presque bilingue. Pourtant, je ne me sens pas à 100% prête à m’exprimer dans un vocabulaire médical en anglais. Mon fiancé étant architecte, on passe relativement peu de temps à parler sondes urinaires, perfusions ou pansement d’escarres, si vous voyez ce que je veux dire ! C’est un vocabulaire que j’utilise encore très peu. Cela dit, étudier pour le N-CLEX, c’est comme une immense révision de toutes nos connaissances mais en anglais, donc ça aide !

Flo & Yo - Comment est ta vie aux USA ? Sais-tu quel est le niveau de vie d’une infirmière là-bas ?

Claire - J’adore ma vie ici ! J’aimais déjà lorsque je venais en vacances, mais maintenant que j’y suis pour de bon je ne regrette rien ! Mis à part le fait que j’ai l’impression de vivre dans un film américain, j’aime la convivialité des gens. Partout où l’on va, à la banque ou au supermarché par exemple, les gens sont polis, souriant,  respectueux… tout simplement accueillant ! Cela dépend peut-être de l’endroit où l’on vit mais en Arkansas en tout cas, c’est comme ça !

Ici, le niveau de vie d’une infirmière est meilleur qu’en France autant au niveau financier que du point de vue de la qualité de travail. Pour être honnête, je commençais à fatiguer de mon métier en France. Les conditions de travail où je travaillais étaient à la limite de l’inhumanité, autant pour nous soignants que pour les patients ! Je travaillais de nuit et avais jusqu'à 35 patients dans un service de chirurgie avec parfois plus d’une quinzaine de bloc du jour à surveiller régulièrement (et pas que des petites interventions) ! D’après une amie américaine qui est Registered Nurse, ici, en chirurgie de nuit, une infirmière a entre 8 et 10 patients. Parfois moins en fonction de l’État de santé des personnes prises en charge, rarement plus. Et c’est un nombre qui diminue encore lorsque l’on travaille de jour. Ici, une infirmière prend le patient en charge dans sa globalité et a le temps de faire son métier correctement, d’être simplement une bonne infirmière. Lorsque l’on a 35 patients à prendre en charge, on a beau aimer son métier et y mettre toute la bonne volonté du monde, on ne peut pas être efficace à 100%.

Flo et Yo

Flo & Yo - Comment sont les gens en général envers toi ?

Claire - Les gens, comme je l’expliquais précédemment, sont accueillants et souvent très curieux de savoir d’où je viens, pourquoi je suis venue vivre aux USA… Contrairement à certains stéréotypes que j’ai pu entendre ou lire, les Américains sont, je trouve très ouverts et curieux du monde qui les entoure. Bien sûr encore une fois je parle des gens ici en Arkansas, peut-être que c’est différent ailleurs…

Flo & Yo - Et l’Arkansas, c’est comment ?

Claire - Là où je vis en Arkansas, à Fayetteville au nord-ouest, c’est très boisé. Il y a de grandes forêts et c’est assez « pentu » comme dirait l’autre! Moi qui aime faire du vélo, ça m’attire beaucoup moins ici ! Pour anecdote, l’autre jour nous partions de chez nous en voiture et nous n’avions plus beaucoup d’essence. Il y a une côte en bas de chez nous tellement raide qu’en la montant la voiture était forcément très penchée, toute l'essence a dû aller au fond et la voiture, croyant qu’il n’y en avait plus du tout, s’est arrêté au milieu de la route ! Obligés d’aller remplir un bidon à la pompe la plus proche ! C’était le 13 janvier, on partait se marier ! Il y a aussi des lacs par ici. Ce sont des lacs artificiels. Ils offrent des points de vue magnifiques !

Pour ce qui est de la faune, c’est un peu comme en Sologne (d’où je viens). On trouve des cerfs, des sangliers (appelés « Razorbacks »ici, et mascotte des équipes de sport d’Arkansas), des canards… Et puis il y a aussi des animaux plus particuliers comme des coyotes, des putois, ou encore des oiseaux mouches (mes préférés!!). Il arrive aussi que mes beaux-parents tombent nez à nez avec des araignées de la taille d’une mygale en sortant sur leur terrasse… heureusement je n’en ai vu que des photos jusqu’ici !

Flo & Yo - Et pour finir, qu’est-ce qui te plaît le plus aux USA ?

Claire - Les matchs de basketball, les services après vente toujours soucieux de satisfaire le client à 100%, les petits déjeuners d'un fast-food bien connu (qui n’ont rien à voir avec ceux de France) et les voitures automatiques !

Plus sérieusement, j’aime la convivialité des gens, la beauté du paysage, et le climat parfois un peu bizarre (cet hiver nous sommes plusieurs fois passés de 20° avec grand soleil à -15° et de la neige en l’espace de 3 jours!).

Merci à Claire d’avoir répondu à notre interview. Nous lui souhaitons plein de réussite pour la fin de ces démarches administratives et je suis sûr que d’ici peu, elle pourra nous expliquer sa vie d’infirmière en Arkansas ! En tout cas, c’est un chemin long et sinueux pour arriver à travailler aux USA et pouvoir compter sur des témoignage tel que le sien permet de mieux comprendre toutes les démarches à effectuer.

Flo & Yo - Deux soignants à la conquête du monde !

logo Flo & YoEn novembre 2011, Yohan, alors âgé de 31 ans, aide-soignant  - et Florence, 28 ans, étudiante manip radio en 2éme année, férus de voyages et d'expériences insolites ont créé « Care Conception Through the World », une association loi 1901 dont le nom peut être traduit en français par « La conception du soin autour du monde ». Son but ? Réaliser des reportages photos et vidéos, à travers le monde, sur les différentes façons de concevoir le soin. En résumé : voyager, découvrir, et surtout partager avec la communauté soignante et même au-delà ! Ils nous ont présenté leur projet sur Infirmiers.com, partenaire de leur aventure maintenant en cours. Yoan est désormais infirmier, Florence Manipulatrice en électroradiologie et tous deux sillonnent les routes du monde ! Ils ont posé aujourd'hui leurs valises à La Réunion et un petit bébé est attendu pour très bientôt... Un aventurier de plus ! Retrouvez l'intégralité sur www.floetyo.com

Florence et Yohan MAUVE   Rédacteurs Infirmiers.com  contact@floetyo.com

Cet article a été publié par Flo & Yo que nous remercions de cet échange.