On devrait compter près de 881 000 infirmiers en 2040 !

Publié le 13/06/2018

Selon les estimations de la DREES, le nombre d’infirmiers augmentera de 53% en 2040, une hausse majeure mais primordiale pour répondre à la demande de soins croissante due au vieillissement de la population. En parallèle, l'âge moyen des soignants augmenterait légèrement et l’exercice en libéral devrait se développer. En revanche, si la densité d’infirmiers va croître sur l’ensemble du territoire, on constatera toujours des disparités inter-régionales.

infirmier effectifQuelle sera la démographie des professionnels de santé en 2040 ? C’est une question à laquelle la Direction de le Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) a tenté de répondre à l’aide de plusieurs modèles de projection basés sur les évolutions constatées ces dernières années. Les infirmiers représentent déjà aujourd’hui la première profession de santé au niveau des effectifs avec plus de 600 000 soignants en activité, bien loin devant les médecins (226 000). D’après les chiffres, le nombre d’infirmiers a progressé de 70% entre 2000 et 2017, une croissance supérieure à la population générale (3% par an contre 0,6%). Ainsi, la densité de professionnels s’est accrue en conséquence passant de 667 infirmiers par 100 00 habitants en 2000 à 972 en 2016. Ceci s’explique par la hausse des quotas [d'entrée en IFSI] mais aussi par l’allongement des carrières [des infirmiers], informe Claire Marbot, cheffe du bureau des professions de santé (DREES). La réforme de 2010 a notamment fait reculer de deux ans l’âge des départs à la retraite.

Les statisticiens ont également observé les changements de mode d’exercice en cours de carrière. Ils ont noté qu’ils demeurent relativement rares (2 ,6% entre deux années consécutives entre 2013 et 2016). Les plus jeunes sont plus enclins à le faire ainsi que les salariés non hospitaliers. Apparemment, 4,9% des infirmiers en établissements pour personnes âgées changent de mode d’exercices entre deux années de suite.

En outre, sans surprise, ces changements de carrière s’accompagnent fréquemment de migrations inter-régionales. Cependant, ces passages d’une région à l’autre sont relativement peu nombreux. Là encore, les jeunes restent les plus concernés. De manière générale, c’est en provenance des régions d’Outre-mer et d’Île-de-France que ces migrations sont les plus importantes alors qu’elles sont rares en Bretagne et dans les Hauts-de-France.

En parallèle, La DREES a publié une étude sur l'évolution du corps médical et sur l'accéssibilité aux généralistes. Apparemment, les effetifs de médecins ont continué d'augmenter également. En revanche, les difficultés d'accès au généraliste s'accroissent pour une partie de la population. Près de 5,7 millions de personnes résident dans une commune en manque de médecins généralistes et plus de 9000 communes sont en situation de sous-densité d'omnipraticiens. 

Une hausse de la densité des infirmiers de 39% en 2040.

Si on se projette en 2040, quelles évolutions ?

A partir de ces observations, et dans l’hypothèse d’un maintien des politiques en vigueur et que les comportements restent constants, des projections permettent d’estimer le nombre d'infirmiers en activité à l’horizon 2040. Selon les tendances actuelles, leur nombre augmenterait de 53% entre 2014 et 2040 pour atteindre 881 000. En outre, durant cette période la population générale poursuivra sa croissance mais à une vitesse plus faible, ce qui entraînera une hausse de la densité d’infirmiers de près de 39%. En effet, estimée à 872 pour 100 000 habitants en 2014, elle atteindrait 1217 soignants pour 100 000 en 2040.

Toutefois, les seniors prennent de plus en plus d’importance au sein de la population. Or, les tranches d’âges les plus élevées nécessitent beaucoup plus de soins infirmiers, les personnes de plus de 75 ans en consommant 27 fois plus que les moins de 65 ans. On devrait donc constater une augmentation des besoins à ce niveau. Dan ce contexte, il est important d’analyser la densité « standardisée », c’est-à-dire une densité qui prend en compte ces facteurs (la répartition de la population par tranches d’âges en fonction de ses besoins en soins infirmiers). Selon les statistiques, les besoins en soins infirmiers vont s’accroître davantage par rapport aux effectifs, la densité standardisée étant de -4% en 2040. Ces données reposent sur des besoins constants à un âge donné, et seraient donc remises en cause en cas d’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé ou de l’émergence de nouvelles modalités de prise en charge.

Un moyen de contrôler les effectifs : les quotas d’entrée en IFSI

Le meilleur moyen pour essayer de contrôler les effectifs à court terme et de façon efficace reste les quotas d’entrée en IFISI. La DREES a réalisé des projections différentes en fonction des variations de quotas et elles sont très parlantes. Si les quotas étaient fixés dès 2018 à un niveau 10% inférieur à ceux de 2017, le nombre d’infirmiers n’augmenterait plus que de 44% (par rapport aux 53% selon les quotas actuelles), rajoute Claire Marbot.

C’est un levier puissant et dont on remarque les effets au bout de 3 ans (la durée des études). Ces quotas sont notamment capables d’aider à établir un équilibre entre les besoins et les effectifs. En 2020, il faudrait établir des quotas à un niveau légèrement inférieur puis les majorer entre 2023 et 2030 à un rythme de 3% par an avant de les stabiliser aux alentours de 39 000, suggère le rapport.

La part de libéraux serait en nette hausse allant de 14% en 2014 à 23% en 2040.

Un léger vieillissement de la profession et le développement du secteur libéral

L’âge moyen des infirmiers devrait évoluer légèrement, passant de 41 ans en 2014 à 43 ans en 2040. Ceci serait majoritairement dû à l’allongement des carrières et aussi à l’arrivée à la retraite des générations qui ont fait leurs études en 2000, époque où les quotas étaient très élevés.

A première vue, dans 20 ans, les infirmiers continueraient d’exercer massivement à l’hôpital public. Leur proportion variera peu (environ 44%). La part des soignants travaillant en EHPAD stagnerait à 6% comme en 2014. En revanche, le pourcentage des infirmiers salariés hors fonctions publiques et maisons de retraite mais, par exemple, en centre de santé, en établissements pour personnes handicapés ou en entreprise, se réduirait au profit de l’exercice libéral. Ainsi, alors que le nombre de salariés du privé diminuerait, passant de 23% à 12% en 2040, la part de libéraux serait en nette hausse allant de 14% en 2014 à 23% en 2040.

La Lorraine, et le Nord-Pas-de-Calais atteindraient des densités estimées entre 10% et 20% plus élevées que la moyenne nationale.

PACA surdoté, Île-de-France en manque d’infirmiers

Des disparités sont déjà constatées en 2014 au niveau de la répartition des soignants sur le territoire. Les régions du Sud comme Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, mais aussi la Bretagne et l’Auvergne montrent des densités d’infirmiers supérieures de 10% par rapport à la moyenne nationale. La Corse et le Limousin, quant à elles, présentent des chiffres 20% plus élevés !

Apparemment, en 2040, des écarts demeureront mais les régions les mieux dotés ne seront pas nécessairement les mêmes. PACA, les régions d’Outre-mer, le Nord-Pas-de-Calais, ou la Champagne-Ardenne connaîtront la plus forte croissance entre 2014 et 2040. Une augmentation supérieure de 20% par rapport à l’ensemble du territoire. Néanmoins, l’évolution sera plus modeste en Corse et en Bretagne.

Les divergences de densités vont donc être redessinées au fil du temps. Les régions Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Corse et Bretagne présenteraient des effectifs infirmiers proches de la moyenne nationale en raison d’une forte augmentation de la population générale sur leur territoire. A l’inverse, les effectifs en PACA vont augmenter de façon fulgurante (près de 71%). En parallèle, la Lorraine et le Nord-Pas-de-Calais atteindraient des densités estimées entre 10% et 20% plus élevées que la moyenne nationale. A l’opposé, l’Île-de-France, la Haute-Normandie, Poitou-Charentes ou les Pays de la Loire constateront une densité 10% à 20% inférieure.

densité infirmier futur

Ainsi la répartition sur le territoire restera hétérogène. D’ordre général, les infirmiers seront plus nombreux, un peu plus âgés, et davantage en exercice libéral.
Reste à savoir si ces projections se réaliseront. On peut se poser la question quant à l’engouement des jeunes par rapport au métier d'infirmier. De même, les quotas fixés à l’entrée des IFSI ne correspondent pas au nombre de diplômés qui en sortent. Entre 2012 et 2015, le nombre de diplômés est inférieur de 16% par rapport aux quotas fixés trois ans auparavant, souligne le rapport. Et vous, pensez-vous ces projections réalisables ? Et pour les plus jeunes, où serez-vous en 2040 ?

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706