Journée mondiale de lutte contre le cancer : focus sur le rôle des infirmiers d’annonce

Publié le 11/02/2021

Annoncer à un patient qu’il souffre d’un cancer est une responsabilité difficile à assumer pour le personnel soignant. Avec la création de la consultation infirmière d’annonce, les IDE sont en première ligne du dispositif.

L’information du patient est une obligation qui incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables, stipule le Code de la santé publique. Le droit du patient à l’information sera confirmé par la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Dans la foulée, le plan cancer 2003-2007 introduit, à la demande des patients lors des Etats Généraux des malades atteints de cancer, un dispositif d’annonce de la maladie. C’est une grande avancée pour les patients avec la création de la consultation infirmière d’annonce, formalisée autour de recommandations spécifiques (32,40 et 42) du Plan Cancer.

Laisser le patient s’exprimer

Le dispositif d’annonce d’une pathologie grave s’articule autour de quatre étapes. Il débute avec l’annonce de la maladie par le médecin et la remise au patient de son Programme Personnalisé de Soin (PPS) contenant la décision thérapeutique. Suivent un temps d’accompagnement soignant paramédical, l’accès à une équipe impliquée dans les soins de support et une phase d’articulation avec la médecine de ville. La consultation paramédicale est assurée par l’IDE très rapidement après celle d’annonce du diagnostic par le médecin, souvent vécu comme un traumatisme. On essaie de rencontrer les patients très vite avant leur première chimio. Ils connaissent leur pathologie et tout a été posé par le médecin : les traitements, les effets secondaires, les consultations à venir, explique Noélie Edouard, infirmière de consultation d’annonce au centre Georges François Leclerc à Dijon. Ce temps paramédical dure entre 45 minutes et une heure et se déroule dans un lieu dédié où le calme et la confidentialité sont respectés. Il s’agit de proposer au patient un accompagnement personnalisé, composé de quatre axes principaux : l’écoute, l’information, le soutien et l’orientation. Dans un premier temps, laisser le patient s’exprimer permet de repérer son niveau d’information au regard de ce qui lui a été communiqué pendant la consultation médicale, de connaître ses besoins, ses craintes et de mieux appréhender ses émotions.

"C’est un temps privilégié car, très souvent, les patients abordent avec nous des sujets qu’ils n’osent pas aborder avec le médecin"

Implication du malade

La phase d’information est ensuite une étape-clé. Si nécessaire, l’infirmier reformule, réexplique le discours du médecin et détaille le déroulement des soins. Au fil de l’entretien, les besoins psychologiques, sociaux, familiaux ou professionnels du patient émergent. Nous faisons un recueil de données pour évaluer la sphère psychosociale du patient et repérer d’éventuels problèmes. Ainsi, nous pouvons adresser les patients aux spécialistes des soins de support en établissement ou en ville comme les associations de malades, le psychologue, le diététicien, l’assistante sociale, détaille N. Edouard. C’est également le moment pour l’IDE de prodiguer de nombreux conseils d’hygiène de vie (diététique, activité physique…), de prévention ou de gestion des effets secondaires des traitements et d’informer le patient sur la prise en charge financière des frais liés aux soins. N. Edouard et ses collègues profitent de cette consultation pour présenter le service dans lequel la personne sera soignée afin qu’elle s’y familiarise. Par la suite, l’infirmier informera le médecin traitant de la situation de son patient. L’ensemble de ces étapes participe à une meilleure compréhension et acceptation du diagnostic et favorise l’implication du malade dans le suivi de la stratégie thérapeutique. C’est un temps privilégié car, très souvent, les patients abordent avec nous des sujets qu’ils n’osent pas aborder avec le médecin. Nous leur transmettons toujours un numéro pour être joignables. Cela les rassure beaucoup, confie N. Edouard.

"Il n’existe pas de formation officielle préparant les soignants à cette fonction"

Un savoir-faire nécessaire

Si aucune recette miracle n’existe pour annoncer une nouvelle grave, il y a des ingrédients indispensables que sont le temps, l’écoute et les mots choisis, écrit Marcela Gargiulo, psychologue clinicienne, auteure de nombreux travaux sur l’annonce d’un diagnostic grave. Car il n’existe pas de formation officielle préparant les soignants à cette fonction. Devenir infirmière de consultation d’annonce est un choix, déclare N. Edouard ; il n’y a pas de diplôme spécifique, ni une seule façon de faire. C’est un rôle très énergivore et émotionnellement compliqué, mais extrêmement enrichissant d’un point de vue personnel et professionnel.

"A l’Institut Gustave Roussy, tout est mis en œuvre pour soutenir les infirmiers dans cette lourde tâche"

Prendre du recul

Isabelle Ravet, infirmière de consultation en sénologie à l’Institut Gustave Roussy (IGR), partage ce point de vue et ajoute qu’il faut de solides connaissances théoriques, médicales et organisationnelles pour assurer ce rôle. Auxquelles doivent s’ajouter des qualités personnelles : on sait ce que l’on doit dire, mais on doit savoir s’adapter à chaque patient avec notre vécu personnel. Être dans l’empathie et l’humain contribue à mieux gérer l’angoisse, l’inquiétude, la tristesse et parfois même des états de sidération, de refus ou de déni du diagnostic des patients. A l’IGR, tout est mis en œuvre pour soutenir les infirmiers dans cette lourde tâche. Les consultations d’annonce se font par demi-journées, nous consacrons le temps restant à d’autres fonctions pour prendre un peu de recul, explique la professionnelle de l’Institut. Consciente du poids psychologique de cette fonction et pour offrir aux infirmières la possibilité d’extérioriser leurs émotions, la direction de l’établissement leur propose le soutien d’un psychologue, d’un ostéopathe et d’un masseur. 

Vanessa Avrillon Journaliste santé infirmiers.com