L’ÉTUDE DU MOMENT - Insoutenabilité au travail : infirmiers et aides-soignants l’expriment à près de 50%
Publié le 22/03/2023
C’est une étude récente de la Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES) qui le souligne et qui ne passe pas inaperçu en plein débat sur la réforme de retraites : 37 % des salariés français ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite (données 2019). L’exposition à des risques professionnels - physiques ou psychosociaux -, tout comme un état de santé altéré, vont de pair avec un sentiment accru d'insoutenabillité du travail. Ainsi, plus des deux tiers des salariés qui jugent leur état de santé général très mauvais déclarent qu’ils ne sont pas capables de tenir jusqu’à la retraite.
« Un bon état de santé ne suffit pas à garantir un travail soutenable : un tiers des salariés s’estimant en très bon état de santé jugent leur travail insoutenable. »
Les métiers du soin fortement concernés par l’insoutenabilité au travail
Les métiers les moins qualifiés, au contact du public ou dans le secteur du soin et de l’action sociale, sont considérés par les salariés comme les moins soutenables. Certaines professions sont jugées particulièrement insoutenables, parfois de manière majoritaire, par les salariés qui les exercent (cf. tableau ci-dessous). Il s’agit notamment des métiers requérant l’accueil du public (caissiers, employés de la banque, des assurances et de l’hôtellerie-restauration), ceux du soin et de l’action sociale (infirmières et aides-soignantes), ainsi que certains métiers d’ouvriers non qualifiés. 47% des aides-soignants et 55% des infirmiers et sages-femmes estiment ainsi qu'ils ne pourront pas rester dans leur travail jusqu'à la retraite, du fait de leurs métiers. Leur travail est caractérisé par des risques physiques plus marqués que la moyenne et des exigences émotionnelles plus fortes du fait d’un travail au contact du public. Le taux retombe à 27% chez les médecins et assimilés ainsi que les cadres de la fonction publique (catégorie A et assimilés). À l’opposé, les métiers les plus « soutenables » jusqu’à la retraite sont en moyenne plus qualifiés et davantage exercés dans des bureaux, que ce soit dans le privé ou dans le public.
Les salariés jugeant leur travail insoutenable ont des carrières plus hachées que les autres et partent à la retraite plus tôt, avec des interruptions, notamment pour des raisons de santé, qui s’amplifient en fin de carrière.
Les salariés qui jugent leur travail insoutenable s’absentent plus pour raisons de santé, avec 12 jours d’arrêts en moyenne par an, contre 7 pour les autres. Ces salariés connaissent plus souvent un état de santé altéré et sont davantage exposés à des risques professionnels. Avec l’avancée en âge, la différence entre les salariés au travail jugé soutenable et les autres s’accroît : il est en moyenne de 11 jours pour les 50-54 ans et de 57 jours pour les 60-64 ans.
Ce qu’il faut retenir
Lorsque l’autonomie et le soutien social s’accroissent, le sentiment d’insoutenabilité du travail diminue. En moyenne, les changements organisationnels sont préjudiciables à la soutenabilité du travail, sauf si les salariés participent à la décision. Les dispositifs de prévention mis en place dans les établissements améliorent peu le caractère soutenable du travail. Ainsi, quitter le salariat ou changer de profession améliore nettement la soutenabilité du travail. Une organisation du travail qui favorise l’autonomie, la participation des salariés et limite l’intensité du travail tend à rendre celui-ci plus soutenable. Les mobilités, notamment vers le statut d’indépendant, sont également des moyens d’échapper à l’insoutenabilité du travail, mais ces trajectoires sont peu fréquentes, surtout aux âges avancés.
Bernadette Gonguet