IDEC en EHPAD : à la croisée du sanitaire et du médico-social
Publié le 12/02/2021
L’IDE de coordination en EHPAD est un professionnel polycompétent. Sa fiche de poste peut impressionner tant les compétences et responsabilités professionnelles et humaines sont variées. C’est pourtant un métier passionnant à la croisée de plusieurs domaines.
Appelé aussi « infirmier référent », l’Infirmier Diplômé d’Etat de Coordination (IDEC) est un élément-clé du bon fonctionnement des Ehpad et concourt à la qualité des soins, critère indispensable au conventionnement des établissements. Rattaché directement au Directeur d’établissement, il fait exécuter les ordres sur le terrain. Il ne fait plus de soin et contribue à la gestion de toutes les activités de l’établissement en étant à l’interface entre la direction, le médecin coordonnateur, les équipes, les prestataires, les résidents et leurs familles. La qualité, - dont il élabore les protocoles -, mais aussi la sécurité de la prise en charge pluridisciplinaire des soins, dépendent de ses prérogatives. L’infirmier référent coordonne les équipes soignantes et accompagne les résidents et leurs familles dès la procédure d’admission. Il participe au Conseil de la Vie Sociale (CVS), gère les plannings, les stocks, le budget, ainsi que la logistique des repas.
Quelle formation pour l’IDEC ?
Pour candidater à un poste d’IDEC, il est nécessaire d’avoir acquis au minimum deux années d’expérience professionnelle en tant qu’IDE. Disposer du diplôme de l’une des spécialités infirmières (anesthésiste, bloc opératoire, puériculture) est un plus, mais n’est en aucun cas une obligation. L’accès à la profession n’est pas règlementé, de même que la fonction n’est pas inscrite au répertoire des métiers. D’où l’absence de formation diplômante officiellement reconnue. Il existe des DU, à l’image de celui d’infirmier référent et coordinateur d’Ehpad et de SSIAD proposé par l’Université de Paris. Mais le Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Encadrement et de Responsabilité d’Unité d’Intervention Sociale (CAFERUIS) n’est pas requis.
Les attentes des recruteurs
L’IDEC répond aux besoins de prise en charge des pathologies liées au vieillissement induits par l’évolution démographique. Une bonne connaissance du secteur gérontologique, de ses enjeux et de son cadre légal, l’appétence pour le management d’équipe sont en revanche indispensables. « Idéalement, nous cherchons des profils avec une certaine expérience de l’encadrement d’équipe et de la conduite de projets », explique Richard Capmartin, directeur et chasseur de têtes d’un grand cabinet de recrutement spécialisé dans les métiers des secteurs sanitaire et médico-social. Gaëlle Montout, directrice d’un Ehpad en Ile-de-France actuellement en recherche d’un IDEC pour son établissement, complète : « Au-delà des compétences managériales, le candidat idéal dispose de réelles qualités humaines, comme la transparence et l’empathie, pour comprendre chaque situation et tisser une relation de confiance avec ses équipes et les familles. Il doit opérer un suivi rapproché des résidents, avoir à cœur leur bien-être dont il sera le garant et qui le guidera dans ses décisions. Si l’objectif de qualité des soins prodigués dans l’établissement est une évidence, l’infirmier référent doit se questionner sur le sens de sa mission, sur ce qu’il peut apporter en plus ».
Peu de candidats
Pour G. Montout, l’infirmier référent se positionne comme un point de repère pour tous les professionnels de l’établissement qu’il coordonne. D’où l’importance pour cette directrice en phase de recrutement, de trouver un profil aguerri dans l’encadrement, un professionnel sachant anticiper les risques et les analyser de manière globale. « L’infirmier référent doit faire preuve de pédagogie et savoir soutenir ses équipes. L’exemplarité est importante », ajoute G. Montout. Reste que les Ehpad souffrent de leur image et attirent peu les candidatures. « Il existe très peu de candidats avec ce profil complet, détenant à la fois un diplôme dans le management et l’expérience du terrain. Il faudrait redorer l’image des Ehpad qui sont de plus en plus médicalisés et dans lesquels il manque beaucoup de médecins coordinateurs. Les cliniques privées ou les hôpitaux sont plus « vendeurs ». Pourtant, sans IDEC, le soin y est difficilement gérable », remarque R. Capmartin. Enfin, l’écart entre la multitude de responsabilités et la rémunération peut constituer un frein à l’embauche. « En Ile-de-France, un IDEC touche entre 2 800 et 3 600€ bruts mensuels », estime le chasseur de têtes. Le salaire dépend évidemment de la formation, du niveau d’expérience et du parcours de l’infirmier.
Un positionnement parfois complexe
Par manque de candidats, le métier d’IDEC est donc très en tension. C’est souvent par de la mobilité interne que les postes sont pourvus. « L’absence de formation spécifique des infirmiers référents et le fait qu’ils aient bénéficié d’un avancement en interne conduisent parfois à l’émergence de problèmes de positionnement et de légitimité vis-à-vis des équipes qu’ils encadrent », prévient R. Capmartin. Aux yeux de ses collègues, l’IDEC demeure souvent un infirmier qui doit savoir s’imposer comme leur supérieur hiérarchique. A cette difficulté de posture s’ajoute la pression des familles, de plus en plus exigeantes quant à la prise en charge. Lucie-Marie Morti est IDEC au sein de l’Ehpad « Résidence Océane » à Nantes. « Après 17 ans de carrière dans la réanimation polyvalente et 5 années dans cet Ehpad, je suis devenue infirmière coordinatrice. Bien connaître les familles est un véritable atout. Il faut avoir une vision très globale de la gestion de l’établissement, mais aussi beaucoup de flegme, de sang-froid et de calme car certaines problématiques comme les relations avec les familles et les équipes sont difficiles à gérer. Il est important d’être très organisé car on travaille avec de nombreux intervenants. Un IDEC non expérimenté peut tout à fait correspondre au poste. Cela dépend vraiment de sa personnalité et de la conscience qu’il a de ses responsabilités ». L-M. Morti aime son métier et le travail en équipe qui en découle. Elle reconnaît être aujourd’hui mieux considérée grâce à son statut de cadre référente. « C’est un métier très enrichissant. Désormais, je fais essentiellement du management. Je ne porte la blouse que si je prête main forte aux soignants, ce qui me permets de mieux comprendre leurs besoins. Le reste du temps, je suis habillée en civil ». Elle n’a pas abandonné le soin, mais elle l’aborde de façon plus globale.
Vanessa Avrillon Journaliste santé