2014 - Emploi infirmier rime avec chômage et précarité

Publié le 24/11/2014

Un article du Télégramme intitulé « École infirmière. "Il y a du boulot !"», qui indique que le taux d'insertion des jeunes diplômés infirmiers bretons est très élevé, n'a pas manqué de faire réagir la communauté dont les commentaires sont sans appel : la situation n'est pas si rose que cela...

Un article du Télégramme publié le 21 octobre 2014 relayé sur nos réseaux sociaux évoque un taux d'insertion professionnelle s'élevant à 97 % pour les infirmiers bretons et indique que plus de 80 % des diplômés restent dans la région pour travailler, des chiffres contestés par la communauté qui n'a pas manqué de s'exprimer sur Facebook et sur le forum d'Infirmiers.com pour donner sa version des faits...

Du chômage dans (presque) toutes les régions

courbe du chômage en FranceSelon les différents témoignages recueillis sur Facebook et sur le forum d'Infirmiers.com, aucune région - ou presque - n'est épargnée par le chômage. Karina Durand, ancienne présidente de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) s'insurge d'emblée : ce n'est pas beau de se voiler la face et de mentir à des jeunes en recherche d'avenir.... Rappelons que cet été, la Fnesi pointait du doigt le chômage et la précarisation de l'emploi infirmier.

Ainsi, dans le nord de la France, Mathilde, diplômée en juillet 2014, explique je suis toujours en recherche d'emploi et ce n'est pas faute d'être mobile. Je postule dans le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme, la Picardie et la Haute-Savoie. De son côté, Sandra souligne que dans le Nord-Pas-de-Calais, il faut un an et demi, voire deux ans de CDD (contrat à durée déterminée) pour se voir proposer un CDI (contrat à durée indéterminée), à condition d'avoir la chance d'être en CDD. Les hôpitaux et cliniques profitent de l'offre pour  proposer des contrats de quelques jours par ci, par là.... Le constat est le même pour Fraisette59 qui a d'abord été prise en CDD, fait un peu d'intérim et effectue désormais quelques vacations.

Dans l'est de la France, M'anDine, diplômée depuis juillet et elle-même au chômage, souligne qu'en Franche-Comté, le travail manque terriblement. Même en intérim, trouver un emploi dans cette région s'avère difficile. Lor'n, originaire de Lorraine, a dû se résoudre à quitter sa région pour trouver un emploi. Quant à Lilia, diplômée également en juillet, elle peine à trouver un poste à Nancy.

Il n'y a pas de postes pour les jeunes diplômés qui veulent s'insérer à long terme et le CDI est très loin

Du côté de l'ouest de la France, Marine, de Nantes, affirme qu'il est compliqué de trouver un poste après l'été. Il n'y a pas de postes pour les jeunes diplômés qui veulent s'insérer à long terme et le CDI est très loin, déplore-t-elle. Quant à Camille, originaire de Bretagne, elle raconte : J'ai fait mes études à Paris. Une fois mon diplôme en poche, j'ai décidé de revenir travailler en Bretagne. Malheureusement, à part un CDD d'un mois, je n'ai rien pu trouver d'autre. Et tous les "pistons" n'aident pas forcément. Résultat, je suis a présent obligée de retourner à Paris. Tous les hôpitaux et les professionnels hospitaliers que je connais le disent : pour le moment il ne faut pas espérer travailler en Bretagne. C'est ultra bouché !.

Castle509, diplômée depuis juillet 2014, indique : j'ai effectué un remplacement d'été en réanimation médicale. L'expérience était enrichissante, du coup, j'ai eu envie de continuer dans cette voie, mais je n'ai rien trouvé, ni même dans d'autres services d'ailleurs. Me voilà aujourd'hui inscrite dans deux agences d'intérim. J'ai envoyé pas mal de candidatures spontanées restées sans réponse. Je me suis donc inscrite à Pôle emploi, une première pour moi !. uij_54936 constate qu' en Bretagne, le nombre de postes vacants pour les infirmières a toujours été faible et ceci bien avant l'apparition du chômage infirmier ; ce sont énormément de CDD qui sont proposés en ce moment aux jeunes ou plus anciennes IDE. Restriction budgétaire pour les embauches de soignants, fermeture de lits, fusion des services, non remplacements de tout les départs en retraite, gestion du personnel à court terme sont les raisons pour lesquelles le marché de l'emploi pour les infirmières se précarisent.

Il y a « de moins en moins d'offres d'emploi globalement en France. Il faut arrêter de croire qu'il y un surplus de postes concernant cette profession car certains étudiants passent les concours pour s'assurer d'avoir un job à la sortie

Les infirmiers du sud de la France sont eux aussi touchés par le chômage. brebs, qui se trouve dans le Var, constate qu'il n'y a pas grand chose... C'est la crise, du coup j'ai décidé de reprendre mes études. A Marseille, Tiphaine affirme qu'il y a de moins en moins d'offres d'emploi globalement en France. Il faut arrêter de croire qu'il y un surplus de postes concernant cette profession car certains étudiants passent les concours pour s'assurer d'avoir un job à la sortie. Scampi38 cherche actuellement un poste à Toulouse et explique : j'ai été diplômée en 2012, et j'ai eu la chance de trouver un poste tout de suite mais parce que j'acceptais de faire de l'EHPAD. J'ai adoré ça, et puis j'ai eu envie de changer un peu... J'ai quitté Lyon et mon poste, pour Toulouse et... le chômage !! J'ai envoyé mes premières candidatures en mai 2014. Je n'ai eu que des retours négatifs donc j'ai laissé passer l'été, et là , ça fait un mois et demi que je postule partout sans rien trouver ! Même pas de vacations... Mes lettres de motivation commencent à sérieusement ressembler à quelque chose du genre "peu importe le service ou les amplitudes horaires, je suis prête à aller n'importe où du moment que vous me payez". J'en suis à envoyer des candidatures spontanées en EHPAD (oui oui, j'ai déjà épuisé le stock de toutes les cliniques et hôpitaux...) alors que je voulais changer de spé....

En ce qui concerne l'Île-de-France, les témoignages sont bien peu nombreux et plutôt mitigés. bcelt, qui fait de l'intérim à Paris, explique si je veux, je peux bosser sept jours sur sept, il y a du boulot... Mais c'est à Paris.... Quant à Damdou, il souligne j'ai eu beaucoup de chance, je suis à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris depuis deux ans et titulaire, mais je suis l'un des derniers... Maintenant, l'AP-HP, ne recrute plus et certains services ne tournent qu'avec des intérimaires.  Limbe a été stagiarisée en court et moyen séjour en banlieue parisienne peu après avoir été diplômée. Je ne dois rien à l'hôpital, j'ai fait comme tout le monde : CV et lettre de motivation, et j'ai revu mes prétentions à la baisse....

Certains infirmiers fraîchement diplômés doivent effectuer des remplacements aides-soignants, faute de mieux. D'autres encore partagent leurs missions d'intérim pour que chacun « puisse manger.

Des contrats précaires

Comme l'ont relevé plusieurs infirmiers, en plus du chômage, les contrats proposés sont la plupart du temps à durée déterminée et contribuent ainsi à la précarité de la profession. Pour débuter, ces contrats peuvent s'avérer enrichissants, mais ne permettent aucune stabilité sur le long terme.  Marine64, diplômée depuis juillet 2014, enchaîne les CDD de courte durée depuis deux mois comme la majorité de ses collègues de promotion. Malthynea a elle-aussi trouvé un CDD de deux mois après l'obtention de son diplôme en juillet, mais est au chômage depuis mi-septembre. Chloé précise : oui, des CDD de deux mois il y en a pendant les vacances, et après ? J'ai envoyé trente CV et lettres de motivation et n'ai obtenu que des réponses négatives !.

Cette pénurie de postes engendre, comme on peut l'imaginer, des situations parfois très inconfortables, comme c'est le cas pour Rébecc@ qui explique diplômée depuis juillet 2014, j'ai travaillé trois mois en maternité/chirurgie jusqu'à fin septembre. Bonne expérience, ma cadre et cadre sup étaient contentes de moi, mais hélas, il n'y a plus de place pour le moment. La cadre sup m'a appuyée auprès des RH pour être sur le pool de remplacement. Du coup, depuis début octobre, je fais des jours ou des nuits en 12 heures lorsqu'il y a des besoins. On me catapulte sans être doublée, et du coup ce n'est pas facile car je me retrouve devant certains soins spécifiques que je n'ai parfois jamais vus ou peu pratiqués.... Certains infirmiers fraîchement diplômés doivent effectuer des remplacements aides-soignants, faute de mieux. D'autres encore partagent leurs missions d'intérim pour que chacun « puisse manger ».

Les infirmiers en poste depuis quelques années l'ont bien remarqué, la situation était tout autre il y a à peine quatre ans lorsque avoir son diplôme rimait avec stabilité professionnelle. Aujourd'hui, de nombreux jeunes diplômés doivent accepter des contrats courts offrant peu de perspectives ou chercher du travail dans une autre région, voire un autre pays, sans pour autant être assuré que l'avenir sera meilleur.

N'hésitez pas vous aussi à rendre compte de la situation et des problèmes rencontrés dans votre région en commentant l'article.

Aurélie TRENTESSE  Journaliste Infirmiers.com aurelie.trentesse@infirmiers.com

Mise à jour le 24/11/2014